Je joue

Jouer pour moi, c’est très important. Dommage que notre société renvoie aux adultes ludiques une image infantilisante ! Il y a effectivement dans le jeu une dynamique spontanée qui n’est pas sans rapport avec l’attitude des enfants. Je crois qu’il y a dans cet élan très vivant une perle qu’il est bon de cultiver à tout âge.

J’aime jouer. J’envie ceux (celles surtout, les femmes y parviennent plus facilement) qui aiment jouer pour jouer. Chez moi, le jeu est très lié à la compétition. J’entends déjà des holà railleurs. Faisons plutôt tourner la ola ailleurs au lieu d’écouter la morale des ayatollahs râleurs ! J’ai moi-même refoulé pendant quelques années mes élans de compétiteur. Il arrive si souvent dans nos vies qu’au nom de quelques caricatures, on jette le bébé avec l’eau du bain. Ce bébé taquin, il eût été dommage de le faire définitivement passer par le siphon. Encore que ce doit être assez rigolo de jouer à Indiana Jones dans les canalisations. Au bout de la salle de bains, il y a les égouts. Au bout des égouts, il y a des rivières, puis la mer. Au bout de la mer, il y a des rivières, puis des égouts. Et puis d’autres salles de bains avec des bébés qu’on jette avec l’eau du bain. Alors on se croise, on se rencontre et on joue entre gosses jetés avec de l’eau sale. Le fun, quoi !

Les hooligans n’ont pas le monopole de la rivalité. Les mauvais joueurs ne doivent pas nous empêcher de jouer. Les mauvais perdants ne doivent pas salir l’envie de gagner. Ce n’est pas foncièrement malsain d’aimer la gagne. Il arrive certes très souvent, beaucoup trop souvent que la compétition conduise à des excès. Le besoin de reconnaissance est souvent en jeu dans ces rivalités qui cessent d’être ludiques quand pour être plus haut, il faut abaisser les autres. Mais la lutte n’est pas toujours primaire ou blessante.
Observons la malice des lionceaux qui se bagarrent gentiment. J’aime cette adversité bonhomme qui permet de se mesurer sans se faire de mal. J’aime que la force guerrière et archaïque se transcende dans le plaisir de jouer. Je trouve sain de canaliser des pulsions combatives dans un jeu aux contours clairs, aux règles équitables.

J’aime le challenge, je suis un homme de défi. C’est un mode de fonctionnement, j’ai mis du temps à m’en rendre vraiment compte et à l’assumer. C’est fait.
J’aime chercher, sentir que ça résiste, ramer un peu, pas trop. Ça m’énerve quand je reste trop longtemps sans trouver mais je suis d’une nature persévérante. Je déteste qu’on me donne la solution parce qu’on s’impatiente ou parce qu’on veut conclure prématurément que je ne suis pas à la hauteur du challenge du jour. Effectivement, il y a souvent de l’orgueil dans le défi. Notre image n’est pas libre de la réussite ou de l’échec. Qu’importe ? Tant qu’on est beau joueur et pas trop mauvais perdant…

Ça ne me déplait pas tant de perdre. Je déteste mal jouer. Dans les sports de réflexe, cela me rend teigneux de rater des coups. Au ping-pong et au tennis, je m’agace tout seul par mes véhéments et bruyants reproches. On va le dire autrement : je suis un gueulard.

Le sport est un grand sac de jeux. J’aime l’adversité, les obstacles, la bagarre quand on respecte les règles du jeu mais aussi les lois du fair-play.
Pour moi, le sport et l’amitié font bon ménage. Jouer avec Titi au tennis de table, jouer au tennis avec Stéphane, c’est un régal. Perdre contre un joueur plus fort que soi, ça tire vers le haut. Quand le respect est là, il n’y a pas de place à l’humiliation. Et se chambrer gentiment est un autre jeu dans le jeu. Le second degré est de mise et avec le temps et la complicité, on n’a même plus à faire attention à ne pas blesser l’autre. On s’amuse librement.

Jouons ensemble, si tu veux bien !